Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

lundi 12 juillet 2010

Cycle : histoire de Marie, la mémoire.




reçu ce jour, par temps d'orage, de la part de Yannick Vigouroux.

Mon histoire de Marie.

Pendant mon séjour en Sicile, des amis ont commencé à rédiger des fictions littéraires à partir d'archives familiales, anonymes, mais pas toutes. Mais de toute façon, en partie partie anonymes : on connait parfois la provenance exacte, le nom de la famille, mais rarement les prénoms, degrés de parenté, métiers des différents acteurs, sinon de manière fragmentaire, lacunairre. Brigitte venait en effet d'hériter de centaines d'images léguées par une amie. Le titre générique que ces amis ont donné à ces histoires est : « L'histoire de Marie. » Ils ne cessent d'en dérouler et entrecroiser les fils avec une imagination particulièrement fertile.

J'ignorais tout cela lorsque j'ai acheté sur le marché de Syracuse le portrait de cette jeune femme. Le tirage est très abîmé, marbré de nombreuses cassures. Il semble que, pour une raison que j'ignore, on lui ait accordé malgré tout une grande valeur puisqu'il a été remonté dans un cadre récent, économique. C'est cela qui est particulièrement émouvant : le caractère 
cheap et banal de ce cadre contrastant avec ce portrait jauni et abîmé, monté d'urgence dans un écrin sans âme, trop lisse. Et puis le voilà, ce portrait auquel on tenait visiblement tant, abandonné sur cette brocante, désormais anonyme, devenu simple rebus, ne coûtant que deux euros... Je me demandais quelle avait été la vie de cette femme, qui l'avait tant aimé ?

Lorsque rencontrai quelques jours plus tard la vieille dame qui tenait l'hôtel de Milazzo (l'hôtel California, un nom qu'on n'oublie pas) où je résidais, je m'imaginais qu'il aurait pu s'agir de la même personne. J'appris plus tard, au moment du départ, qu'elle avait travaillé après la Guerre neuf avec son mari en Allemagne (d'où l'inscription sur la façade de l'hôtel : « 
Man sprecht Deutsch »), qu'elle s'était enfui avec lui pour échapper au travail dans les champs, et... par amour bien sûr. De chaque lieu religieux où elle s'était rendue elle avait ramené une statuette, dont l'incontournable Padre Pio vénéré à Naples et en Sicile, trônant dans l'entrée. Les icônes religieuses sont omniprésentes ici, à l'intérieur des maisons, mais aussi sur les halls d'entrée, dans des niches minuscules aménagées à chaque coin de rue. Les manifestations religieuses aussi – le jour de l'arrivée dans la ville, j'assistais ainsi à une longue procession qui me mit vaguement mal à l'aise : tout le monde était de sortie, jeunes et vieux, valides et handicapés, civils et militaires, religieux, dans un climat de ferveur et une odeur entêtante d'encens. La vieille dame nous confia que quelques jours plus tôt, des inconnus lui avait rendu visite et lui avait dit qu'il n'était pas possible d'entrer chez elle, car sa maison « était habitée par le Diable ». Profitant de son trouble, il lui avait dérobé des statuettes. Avec un joli sourire résigné que je n'oublierai jamais, elle conclut sur un dicton qui me sembla aussi juste et fataliste, mais qu'étant donné mon très bas niveau d'italien, je ne saurais hélas retranscrire...
 Hôtel California, Milazzo, juin 2010 » (Canon Powershot)  Photographie Yannick Vigouroux

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