Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

jeudi 4 novembre 2010

lundi 1 novembre 2010

l'empreinte rouge

Elle ne bougeait plus, tenait cet extrait photographique entre les doigts, - c'était une danse figée et belle, une statuaire- des empreintes de sang ou de peinture rouge, mémoire sanglante, extraction d'une image au fond d'une alcôve poussiéreuse criblée de vieux clous ; ou alors c'était un bout de photographie, un bout de ciel et de corps qui tenait lieu de modèle pour une peinture. Comme dans l'atelier d'iconographie, ce rouge feu, ce rubis, cette incandescence. Ce rouge des enfers mis à nu, dévoilée l'éternité ; ouverte la porte des corps enchevêtrées, les doigts liés ,déliés. 
Les doigts de la main ne tremblaient pas, ne bougeaient pas. Pas de vent. Pas de pluie. Pas de brouillard. Rien, finesse des jointures. Perfection d'une forme, modeler la matière à partir du noir et du blanc, de couleurs vécues, vues, pas nouvelles, presqu' incertaines. 
Elle peint, recule, s'avance, en une danse amoureuse avec son sujet. Ses cheveux se débattent, lui tombent sur les yeux, elle les repousse d'un geste vif. Puis elle regarde à nouveau la photographie entre ses doigts rouges. Ce n'est pas le rouge de la lanterne des prostituées, ni le rouge des lèvres pulpeuses, ni  celui du petit chaperon. C'est un rouge de rose offerte aux éclats de soleil, un rouge de tulipe d'avril, pour la fête du regard, un rouge de dessin enfantin, un rouge de cerise écrasée, de fraise dévoilée ; une légère peur voilée,dans le jardin, les draps qui volent semblent être devenus des voiles de mariée... Une inquiétude ou une appréhension, un rouge qui n'est pas violent mais qui s'impose. 
Elle se souvient pourtant : pendant la guerre les corps rougeoyaient d'une mort terrible, d'une vie explosée et le rouge alors était si dur, si imperméable, un rouge à vomir et à détester, un rouge qui faisait tant pleurer et qui n'arrêtait pas de couler, suintant.
La petite fille dans la cour de l'école appelle Mathias " dis-moi aimes tu ma nouvelle robe rouge ? C'est ma mère qui me l'a cousue. " Et Matthias avec une craie rouge grave sur le sol gris de la cour de récréation une forme de fillette en rouge. Graffitis éclatant de joie.