Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

vendredi 13 août 2010

A la recherche de Marie (6)

Indice 6 : ?????, avril 1920





Dans Arles, où sont les Aliscamps,

Quand l’ombre est rouge, sous les roses,

Et clair le temps,

Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd ;

Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.

Maria-Luisa à La Panne les bains 2



Maria- Luisa depuis des années tenaient un cahier de ses rêves avec des dessins. Elle avait un rêve qui revenait sans cesse : celui d’une villa dans des dunes de sable, et elle l’avait peinte à l’aquarelle. Elle entrait dans cette maison, se regardait dans un miroir, se voyait vêtue et coiffée comme en 1920. Lorsqu’à Audresselles, dans un carton du grenier, elle trouva cette carte postale, elle eut un malaise. Revenue à elle, elle montra à tous sa peinture dans le  cahier et la carte qui correspondaient parfaitement. Dans cette boîte d’images, elle trouva aussi une photographie et le tramway de cette ville… Elle riait aux éclats en disant " Ah ! je connais bien ! Je l’ai pris tant de fois dans mon rêve et exactement à ce même endroit ! Je voudrai y aller !"  

C’est ainsi qu’ils partirent en lune de miel dans cette ville : «  La Panne », en Néerlandais «  De Panne. »

mercredi 11 août 2010

Matthias et Babar.


Août 1964.

Ferdinand et Matthias partent passer quelques jours chez l’ami de Kostro qu’ils connaissent bien maintenant. À Audresselles, Néocide organise un concours de dessins d’éléphant. François qui dessine très bien aide et  stimule Matthias qui est  le gagnant de ce concours.

 À cette époque, Matthias adore les éléphants ;  il boit dans un bol Banania, il a envie d’aller au Sénégal. Il  lit les livres de Brunehoff et baptise le cadeau de Néocide qu’il a reçu un bel après-midi sur la plage : Babar.

« Le temple de l’éléphant blanc »  de Lenzi que Ferdinand et François l’emmèneront voir en octobre, lors d’un autre séjour à Lille, cette fois ci  le fera rêver durant des années ; Il aura des cahiers à pages blanches remplis de dessins d’éléphant. 

Maria-Luisa à La Panne les bains


A La Panne les plages sont belles et longues, dorées de sable fin, et les hôtels assez chics, les baies vitrées si larges avec vue sur la mer... Les maisons bourgeoises de ce littoral sont  très vastes, emplies de meubles anciens, endimanchées de tentures colorées, ornées de bibelots éclatants et de verreries miroitantes. Les lustres allumés la nuit lancent leurs éclats sur la digue où les touristes se promènent ou promènent leurs toutous. Oui, un lieu exquis pour une lune de miel.

Les villas de la plage ont les perrons dans le sable, quelques herbes hautes et coupantes, ces roseaux des sables extravagants, indéracinables, appelés oyats ; et plus loin les dunes, les dunes blanches, à perte de vue, où courir, se perdre, s’allonger sans être vu…

 Ils vécurent à l’hôtel « Regina Maris » ces jours de douce plénitude et de vent du Nord dans les cheveux.

 

A la recherche de Maria Luisa (5)

Indice 5 : lune de miel à De Panne, Belgique. Pour changer de Wissant et Audresselles où ils s'étaient connus.

Et où ils retourneront par la suite après avoir rencontré Raoul de G., photographe et chanteur, au bar de l'Hôtel Normandy

les carnets de Vinika, Marie de Lille.


Sur une pierre tombale, dans un cimetière abandonné de la banlieue Lilloise, j'ai lu : 

" ci-gît, Marie, née à Majorque, et décédée à Lille, à l'hôpital de la charité. " Pas de date, pas de nom de famille. Rien ! juste quelques vers : 

"Puisqu'un jour, la mort l'a emporté, elle m'emportera aussi et je ne reviendrai plus jamais sous cette forme qu'il a connu et aimé. 

A la recherche de Maria Luisa (4)


Indice 4 : Une femme à la fenêtre

A la Case Blanche

Le cycle de Kostro, l'album.

































Album : 
 quelques photos d'Audresselles, Des "Poissonnets", 
de François dans sa chambre d'étudiant, ( l'ami de Kostro), 
 des amis venus pour la fête, dispersés sur la plage...
à Audresselles, plage du Pas-de-Calais.

le cycle de Kostro, la fête à Audresselles.


15 août 1950, Audresselles.

Kostro a décidé de faire une grande fête, une semaine  aux « Poissonnets »  la maison d’Audresselles de son ami François. Les deux vétérans des vagues ont improvisé un pique-nique  sur la plage, le dos à la digue, le long des rochers. Ils ont invité Sophie et Mathilde, Madeleine, Ferdinand, Roland, Yann, Marguerite, Remi  et Marie, et d’autres encore. Les amis du Sud et du Nord ensemble ici, en ce jour du pèlerinage à La Vierge Marie. Tous ces amis que Kostro n’avaient pas revu depuis des mois… La nuit, ils ont allumé un grand feu, ont fait griller les poissons pêchés les jours précédents sur le bateau de François,  et le bain de minuit les a trouvé à la lune pleine, riant et nageant, au cœur des étoiles qui brillaient sur les vagues hautes. Ils dormirent sur le sable encore chaud, la journée avait été si belle.

A la recherche de Maria Luisa (3)

Indice 3 : La Case blanche

A la recherche de Maria Luisa (2)

Indice 2 : une vieille femme aveugle

Macao


A Macao, le cahier de Marie disparait un soir dans une des auberges . Je ne le retrouve qu'au matin, posé sur la table devant la chambre. La photo de Marie avait disparue, décollée... à la place, on avait glissé quelques photos anciennes dont un portrait de femme . Je m'asseois, troublée... parmi elles, une photo d'identité, décollée elle aussi de son support, au dos, quelques caractères chinois et ce regard doux, mélancolique.

A la recherche de Maria Luisa (1)

Indice 1 : une rose rose

A la recherche de Maria Luisa (0)

F. et les jeunes femmes....(au fond à droite).

Arles, Santa Maria de Bélem à Lisbonne....... quelle jolie surprise nous réserve son prochain voyage fantasmatique ?

mardi 10 août 2010

Reçu hier la suite du journal de Ferdinand.

Journal de Ferdinand (3) — Lisbonne, le 5 Août

J’ai rencontré hier, par hasard bien sûr — mais existe-t-il autre chose que le hasard ? —, quelqu’un qui avait connu Marie bien avant qu’elle soit devenue l’objet de toutes nos attentions. Les circonstances de notre rencontre valent d’être rapportées. J’étais dans un bar de Belem, un internet café, installé dans cette zone où se trouvaient autrefois des cabanes et des hangars pour la pêche, sous les grondements du pont gigantesque qui enjambe le Tage.

J’avais bu plusieurs Caipirinha tout en lisant les dernières propositions de Vinika sur Facebook. Les photos de Brigitte me plaisaient bien. Imaginer le voyage en Chine de l’album de Marie me conduisait immanquablement à quitter des yeux mon écran pour contempler l’estuaire, où passait un de ces paquebots de croisière qui naviguent entre Southampton et Gibraltar, La Rochelle ou Lisbonne, puis à le suivre des yeux aussi loin que je pouvais vers l’Atlantique. On se sent Pessoa quand on est ici me disais-je en commandant une cinquième Caipirinha. Evidemment… évidemment… on se sent proche de Valéry Larbaud aussi (plus que de Paul Morand), et de la mélancolie transatlantique. Bref, Saudade saudade et tout ce qui s’en suit. Dans mon cœur commençait à germer des Brésils, Bahia débarquait dans un coin de mon cerveau, nourri par le Tiete d’Agreste que j’avais lu avant de partir, et l’autre Belem, où je ne suis jamais allé s’installait petit à petit dans les vapeurs d’Amazone qui montaient du fleuve. Avec la nuit, une sorte de fog suivait les berges, envahissait la ville basse, escaladait les pentes de l’Alfama, jusqu’aux rempart usés du château Saint Georges.

À la troisième gorgée de mon breuvage favori, une silhouette s’est inscrite en surimpression sur le cadre doré rapporté de Sicile par Yannick en juillet, et que je regardais pour la millième fois sur l’écran de mon Mac. Le reflet d’une femme jeune, méditerranéenne elle aussi faisait presque bouger les lèvres de la figure photographiée. Je me suis retourné : puisque le reflet me parlait autant l’écouter en direct et regarder en face l’indiscrète qui lisait en se penchant par dessus mon épaule ; elle devait être très près de moi pour que son image à ce point occupe la surface de l’écran. Ce mouvement, tourner la tête vers l’inconnue, peut paraître naturel maintenant, il faut tout de même noter qu’il ne l’était pas sur le moment, un peu parce que je désirais sans doute préserver cette intimité le plus longtemps possible, ne doutant pas en effet que, se sachant découverte, l’indiscrète amorcerait un mouvement de recul et s’enfuirait peut-être, un peu parce que l’obscur pressentiment qu’il s’agissait d’une figure fantomatique, irréelle, me commandait de rester à l’écart des esprits auxquels je ne veux pas croire et me dispensait ainsi de communiquer avec un fantôme dont j’aurais été bien embêté de vérifier l’existence de façon aussi inopinée.

Ce fut elle qui parla la première pourtant et me fit me retourner. Oh mon dieu ! Marie… dit-elle en français et presque sans accent. Je sentis son souffle tout contre mon oreille, un frôlement de sa main sur mon épaule, je sentais le jasmin. Puis, elle retint sa respiration un moment et quand enfin je la vis, elle ne semblait pas avoir l’intention de partir, elle avait quelque chose de Laura ou de La femme au portrait. J’ai tout de suite su qu’elle allait m’entraîner en dehors du monde réel. C’était un tableau qui bougeait, une lisboète jeune, élégante et vive que rien ne gênait dans cette situation et qui voulait me raconter une histoire qui ne serait ni la sienne, ni la mienne : l’histoire d’une autre femme aujourd’hui disparue. Elle allait, elle aussi, me donner sa version du cycle de Marie. J’ai vécu en France à la fin des années 90, j’avais vingt ans, j’étais étudiante. En 1998, je me suis mariée ici à Lisbonne, nous somme allés vivre à Macao, puis Singapour, puis Bangkok. Je suis rentré hier, c’est à dire il y a deux ans. Cela fait plusieurs vies, n’est-ce-pas dit-elle ? Je ne réponds pas. Je nous commande des Caïpirinhas. Je dis : et Marie ? Avant moi, ma grand-mère avait vécu à Paris, puis dans le sud pendant la guerre. Elle avait une amie, Marie, puis elles se sont perdues de vue. Ma grand-mère est rentrée malgré la dictature, et à cause de la dictature, Marie n’est jamais venue à Lisbonne. Mes études à Lyon ont servi de prétextes à la recherche d’indices, puis aux retrouvailles. Evidemment, l’histoire de l’inconnue me plait bien. Elle donne une épaisseur européenne à notre personnage : de la photo sicilienne à la source mayorquine et aux amitiés portugaises. Je voudrais savoir comment elle, à 20 ans, elle a retrouvé Marie, quelle a été son enquête, ce qu’elles se sont dit, si les deux femmes âgées se sont aussi retrouvées et quelle fut leur histoire commune. Elle s’appelle Maria-Luisa et elle dit non ! vous vous trompez. C’est une histoire beaucoup plus compliquée qui commence à Macao dans les années 20.

J’ai débranché l’ordinateur dont la lumière me gênait, et j’ai écouté Maria-Luisa parler. L’histoire de Marie s’éloignait, remontait le temps encore, faisait le tour des continents , s’installait en Asie dans la lumière tamisée d’un film de Sternberg. Je n’ai pas le temps aujourd’hui de transcrire l’histoire de Maria Luisa, je m’en occuperai un de ces jours. Maria-Luisa — toutes les filles ainées de la famille s’appellent ainsi, dit-elle — tenait un bar à Macao. Au début de 1922… Je reprends tout ça demain…

lundi 9 août 2010

Les carnets de Vinika. Marguerite et son rêve.










Les mois qui suivirent la mort de Kostro, Marguerite était restée très choquée. Elle avait souvent les yeux fixes, dans le lointain, et elle chantonnait le poème : « l’affiche rouge » de  Léo Ferré, que l’on avait entendu lors de l’enterrement de Kostro d’ailleurs. Depuis 1959 Léo Ferré vivait là-bas sur l’île Du Guesclin, non loin de Saint-Malo,  où Marguerite et Kostro lui avaient rendu visite. Il faudrait que je demande à François où l’accident s’est produit et où Kostro a été enterré. C’est vrai j’avais écris dans mon carnet que je n’avais plus rien su de tous. Evidemment ,cela n’était pas vrai. Comment pouvais-je vivre sans rien savoir de mes amis d’enfance, d’études, de lutte et de guerre ?

Marguerite la nuit s’éveillait parfois en pleurant et elle disait « regarde Marie, ils sont là, ils m’attendent, je les vois ».  Marie lui disait qu’elle ne pouvait plus voir, qu’elle était devenue aveugle. Marguerite répliquait en colère : « bien sûr que je les vois, ils sont dans ma tête aussi ! Ils sont habillés en noir, ils me regardent, ils m’attendent, c’est pour ça qu’ils ne bougent pas. J’aurai dû mourir aussi avec Kostro. Oh ! Pourquoi ne suis –je pas morte ce jour-là ? Camus est bien mort, lui aussi ce jour-là ! Ah ! ce jour-là, ce jour-là, pourquoi ? Regarde ! Ils approcheront bientôt ! Mais je ne veux pas aller avec eux, pas maintenant. Ils ne vont pas où je veux aller et cette maison, je ne la connais pas…» Puis elle se calmait, et s’endormait, roulée en boule sur le vieux canapé du salon.

Peu à peu les effets du choc de l’accident s’estompèrent. Elle retrouva le goût de chanter, d’écouter de la musique. Un professeur de Paris devrait certainement l’opérer. Il était possible qu’elle recouvre la vue, du moins, partiellement.

Suivant les indications de Marguerite, Marie réussit à reconstituer la scène que Marguerite voyait la nuit, dans son rêve. C’est François qui en fit la photographie. 

Photographies: collection Yannick Vigouroux. Vinika à Saint-Malo