Marie avait grandi loin de nous.
"On ne la voyait pas souvent" témoigne une vieille dame du village.
Sa mère aussi s'appelait Marie, c'était un rite dans la famille, les filles s'appelaient Marie, les garçons Jean. Marie, Marie-Madeleine, une mère qui aimait le matin de Pâques, ; Marie-Charlotte,une mère gourmande, ; Marie-Léopoldine, une mère passionnée de Victor Hugo, ; Jean, Jean-Paul, car le grand-père se prénommait Paul et il était si bon ; Jean-Célestin, sa mère aimait les anges et les peintures naïves des églises ; Jean-François, une mère qui adorait les voyages en Italie à San-Damiano et à Assise.
Tous, frères ou soeurs, cousins, petits enfants, il y avait un Marie ou un Jean.
Et Marie disait à ses amies à l'école " moi quand je serai grande, j'aurai un fils et son prénom sera Jean-Marie ".
Chacune des Marie mortes ressuscitait dans la petite Marie... Une manière de conjurer le mauvais sort, d'oublier la guerre, la dictature, la grand mère laissée au pays, Marie mes beaux yeux toi qui es comme ma mère, quand je dis " Marie " j'entend le pays, la cloche du village, les chants dans les blés, le ruisseau qui coule... Marie vivante dans mon coeur, toujours ressuscitée, et à jamais.
" En tous les cas, moi, j'aimais tant quand la petite Marie faisait du vélo dans le parc du château de son oncle.