Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

samedi 19 juin 2010

# 2, l'homme au bandeau.

7 commentaires:

  1. De Vinika sur l'image 1

    le club des 5 ! Surpris ! un autre point de vue. On dirait que c'est si haut que j'en ai le vertige, autre chose que mon escabeau ! et des ravins, oui, cachés dans les forts des ravines... Cette ville au loin, bon, voilà, j'me souviens plus de son nom ! C'est que j'suis ben vieiille maintenant.

    Vinika

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  2. De Vinika sur l'image 2

    hôpital de montagne, hôpital de campagne... Secret, caché. Il était situé dans un chalet. Un beau et grand chalet. Formage de brebis, herbes fraîches, l'odeur de la neige, tout vit encore en moi. Ils revenaient d'un assaut, quelques uns blessés, deux amis morts dans la lutte. Mais voilà, jamais abandonner, aller jusqu'au bout, être fort malgré le chagrin, les défaites, malgré la mort qui rode. Je me souviens surtout de l'odeur de ces blousons en cuir. C'était particulier, envoûtant, un parfum de guerre, de force et d'authenticité. Je ne sais comment décrire cela. Ce chalet ressembait à une forteresse. Des fenêtres crenelées comme les plaies aux fronts des combattants, comme la charpente de bois, des dentelles de fer, lignes b rsiées, vies brisées. Chaos. J'aime les ombres sous les chaises. Ils semblent jouer aux cartes. Mais moi je sais, ils préparaient une attaque sur la route afin de récuperer des armes. Une jeune secrétaire partisan travaillait chez les SSet livrait les circuits des camions d'armes...Un jour Henriette a disparu. On a su après la guerre qu'elle était morte à Ravensbrück.

    Vinika

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  3. De François:

    Oui Beki était là bien sûr, et Vinika probablement. J'ai un peu de mal à la reconnaitre. Mais moi, non. Tu te trompes. Ce jour là j'étais descendu au ravitaillement avec André. On était passé par le Villaret parce que j'aimais bien la fille du fermier, la cadette, Marguerite. Perds pas ton temps m'a dit André. Elle est pas pour toi, tu vois pas ? Je l'aurais bouffé. Mais j'ai rien dit.

    Le type que tu prends pour moi sur la photo, c'est Roland. Demande à Vinika. Elle va te dire.

    François

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  4. De Vinika,
    oui françois j'étais là mais je faisais chauffer l'eau pour la chicorée ! J'étais dans la cuisine avec la vieille grand mère qui chantait fort et haut quand elle voyait approcher des gens bizarres trop près du gîte. Elle les retenait, leur faisiat visiter la bergerie, leur offrait des légumes du potager et leur donnait l'adresse d'un hôtel en bas dans la vallée. Elle se tenait sur sa chaise à longueur de journée face au seul chemin possible et elle surveillait, elle avait une revanche à prendre : son mari parti à la guerre et mort sans elle, et jamais revenu, ni retrouvé, juste un nom sur une stèle... La terrasse se situait loin derrière le chalet, on ne faisait pas de bruit et puis comme on surplombait otut, c'était idéal pour protéger des réfugiés, des paritsans ou des blessés.

    (Vinika)

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  5. De François:

    Comme nous vieillissons différemment Vinika… Tu te souviens de l’Histoire, et moi, de nos histoires. Pourtant quand j’ai revu Roland au milieu des années 50 à Budapest, ce n’est pas des enfants et du curé qu’il m’a parlé, mais de toi. Il voulait savoir ce que tu faisais, si je te voyais encore, quel était l’homme dans ta vie s’il y en avait un, si tu vivais au bord d’un fleuve ou au dans une banlieue, quelle était maintenant la couleur de tes cheveux, si ton rire était clair, comme autrefois, si tu t’endormais le soir la tête inclinée sur l’épaule de qui ? Je n’ai plus jamais revu Roland. Est-il resté en Hongrie ? Est-il rentré en France ?
    Revoir ces photos pour moi, c’est retrouver la peau brune de Marguerite et ses yeux lilas, c’est vous revoir, toi et Roland, au petit matin, sortant de la ferme au Villars, effarouchés, en délit flagrant. Il y a longtemps que je ne pense plus à rien de ce que nous faisions alors et que seul m’importe ce que nous étions. Je nous revois tous les quatre, à vingt ans. A peine ! Oui, je t’entends. Tu as raison, comme d’habitude. Nous n’avions même pas vingt ans, Marguerite avait la peau brune et les yeux lilas, tu étais blonde et tu baissais les yeux quand on parlait de ce qu’on ferait après et Roland ne savait pas parler. Moi non plus. Nos gestes étaient maladroits. On peut le dire, Vinika, maintenant que la jeunesse a fui, sur d'autres chemins légers, nous laissant le droit d'aînesse, et l'argent de nos cheveux. On peut parler. Maintenant, nous avons les mots, c’est l’innocence qui nous manque et l’avenir qui fait défaut. Ah que ne donnerais-je pas pour retrouver, pendant ces après-midi au soleil, l'insolence de la jeunesse… Bras nus, cigarettes au bord des lèvres un instant suspendues au ultimes barrières du dernier de nos étés.

    François

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  6. de Vinika:

    Roland est devenu communiste, eh! oui, on change, il est parti en Russie, dans le Caucase et un jour, plus personne n'a re... Afficher davantageçu de ses nouvelles. Il était toujours tellement exalté,tellement exubérant, ça n'a pas du plaire, au début, les rouges aiment ça et après ça les dérange. Moi je me souviens, en Pologne, les hommes de la famille avaient si peur, on chuchotait, on se parlait au fond des granges en tremblant, maintenant, on ne parle plus de tout ça, c'est loin. Oui l'Histoire :Katyn et les goulags, les prêtres et les moniales exécutés, les icônes brûlées, les livres déchirés...Et les enfants, moi, je n'ai pas eu d'enfant. Et puis je me sentais si laide après la mort de Vincent,un banal accident de voiture, je n'avais plus envie de vivre, il n'y avait q'un chant en moi " rue de la madone " et je me souvenais, nous étions 3 et nous nous aimions si fort. La vie nous a séparé. La Russie, la voiture, d'ailleurs, je ne conduis pas ! Nous nous sommes séparés,quelques années plus tard, des querelles obscures et des réglements de compte insipides, des mensonges, voilà tout, à 20 ans, on est plein de rêves et d'idéals, on est si fougueux, oui, l'insolence de la jeunesse : la cigarette, maintenant je ne fume plus, d'ailleurs rien que de sentir le parfum d'une blonde, et j'en ai le désir ! Mais au fond je n'ai jamais rien regretté, j'ai toujours voulu aller jusqu'au bout de moi même, l'innocence est toujous là, face à la mort qui nous attend désormais, et ce sera une autre barrière, un autre soleil et un jardin pour la fête des retrouvailles, pourquoi pas, on a toujours 20 ans au fond du coeur ! 20 ans légers comme ce linge qui volait au vent, et... ne pas oublier : entre les draps nous nous amusions, enfants, ces draps qui emportaient plus tard certains de nos compagnons... Le drap qui tangue en nos yeux, toi, tu aimais la photo et tu as beaucoup voyagé, heureuse de te retrouver sur ce blog, il n'y a plus d'âge pour partager, derrière la toile, comme un drap tendu, on est ni beau, ni laid, ni mince, ni gros, on est sans identité autre que celle des mots... et que celle des images...Tu es allé au Vietnam, j'ai su cela il y a longtemps... Ou j'ai rêvé ?

    Vinika

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  7. J'ai été émue de cette lettre, plus que je ne le devrais. Budapest, je n'ai jamais su que vous vous étiez revus là-bas. Que faisait-il à Budapest ? La Hongrie, terre de mes ancêtres paternels, dont je ne sais rien. Je n'ai connu que l'époque russe, et j'ai frémis d'horreur devant l'épouvante qui se levait encore, dans les rues, dans les maisons aux portes défoncées. Je repense à Gitta, elle vivait avec ses amis.Je repense à cette phrase qu'elle a écrit longtemps après, lors de so nexil en France : "idöben tett - idötlen tett": l'acte fait à temps - est l'acte hors du temps.
    Je mesouviens : Roland et moi étions dans le temps, englué dans la tière temporel et elle nous avait ficelé dans ses raids, nous étions déjà perdus pour nous. Il n'a pas fallu grand chose pour que les liens se déchirent, presque trop délicatement. J'aurai voulu plus de rigidité dans la assure, non ces dentelles de coquilles d'oeuf, un oeuf non couvé, aux écales d'ivoire jaunie.
    Et Marguerite ? Comment avez-vous vécu? Qu'êtes-vous devenus ? Je ne suis jamais retourné au village, je ne pouvais passer devant la ferme aux villars, je ne voulais plus, j'ai mis trente à accepter d'oublier ou à accepter de vivre dans l'abstinence du souvenir... Je n'ai plus rien su de vous tous. Vous êtes demeurés de cette époque là. Comme les disparus de Mendelsohn,je fouille dans des boîtes de photos.

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