15 août 2010-
Brehec, fête de la dormition de la Vierge. Fête des bateaux et des plaisanciers, cochon grillé !
Sur la plage avait lieu un concours de bateaux de sable, les enfants et les parents construisaient vaillamment ! Pelles, seaux, râteaux, coquillages et cailloux, toutes ces matières colorées que l’on observe sur une plage se trouvaient emmêlés autours des jambes et des bras, les corps en maillots de bain mais aussi des concurrents habillés, il ne faisait tout de même pas si chaud que cela ! ! Je remarquais deux jeunes filles blondes, elles aidaient deux petites filles à construire le plus beau bateau. J’en fais la photographie que je vous montrerai, d’ailleurs la voici ! L’animateur au micro, d’ailleurs, est venu les voir.
Un homme et une dame d’âge respectable se mettent à rire et me disent « c’est beau n’est ce pas les châteaux de sable ! Ah ! Nous aussi on en faisait quand nous étions petits comme eux ! » « On dirait le Titanic ou un beau bateau de croisière ! » Nous parlons un moment de la pluie qui est arrivée hier, des inondations en Chine, des feux de forêt en Russie et je ne sais plus comment cela est venu dans la conversation mais lorsque la femme me dit « oh ! nous on a beaucoup voyagé vous savez ! je lui demande tout naturellement « ah ! et où êtes vous allés ? Où avez-vous vécu ? « A Oran, » me répond t’elle ! Voyez mon étonnement ! Voilà que l’histoire de Marie me rattrapait sur la plage de Brehec ! Figurez vous que son mari était gendarme à Oran la radieuse et que tous deux ont connu Marguerite et Paul car Paul était leur médecin ! c’est lui qui soignait leur petite fille. Ils étaient arrivés en 1952 sur le même bateau. Ils vivaient un peu à l’écart de la ville avenue ou rue Clémenceau, pour eux, « Oran était une ville riche pour les gens riches et on vivait bien et c’était beau ! »
Ils ont quitté à la même époque que la soeur de Marie, en 1959, pour revenir à Plouha, en Bretagne.
Pendant la seconde guerre mondiale, ils avaient vu sur la route de Lanvollon des maquisards fusillés alors qu’ils devaient aller chercher le pain à la petite ville. » A l’époque, il n’y avait pas de boulangerie comme maintenant, à chaque coin de rue ! Et on ne voulait plus, en Algérie, supporter de voir des morts, des tueries. Vous savez ! Pendant la guerre, les gens pensaient tous « Pourquoi se trouer la peau, devenir résistant ? Après tout un gouvernement, c’est un gouvernement, on changera rien en se battant. Et c’est pas pour ça qu’on est lâche ! On l’a pas voulu c’te guerre là ! Et donc on a quitté Oran et on est revenu ici refaire une vie. Seconde guerre ou guerre d’Algérie, on y peut rien ! »
Plouha, mercredi 18 août, 14heures 30,
Le monde est si petit ! A la chapelle Saint Samson de Plouha a lieu la projection d’un film de témoignage sur la résistance bretonne et conférence par les survivants du réseau Shelburne. Puis visite-randonnée sur les hauts-lieux du maquis du secteur de Plouha : la plage Bonaparte, le site de la maison d’Alphonse brûlée par la Gestapo alors que Jean G. Et sa femme Marie fuient, se cachent, le sentier Shelburne, la maison des douaniers ;Un vaste réseau d’aide et de secours s’est mis en place en 1944 en France et en lien avec l’Angleterre. il fallait récupérer les aviateurs anglais abattus au-dessus des sites stratégiques allemands, et ce, partout en France, les héberger, les nourrir, les soigner, les convoyer. J’ai rencontré un ancien résistant qui a travaillé avec Roland et Kostro, venus en tant que contact, avec des ordres de Paris, et aussi, pour accompagner des aviateurs anglais depuis Valence car ceux-ci ne pouvaient plus quitter la France par le réseau des Pyrénées. Je lui montre les photos de l’album de Marie, « Oui c’est certain, me dit il, c’est celui là, avec son bandeau, je le reconnais, il remettait toujours un bandage quand il était à l’abri, sa plaie saignait encore trop facilement ; dehors, on le voyait plutôt un bonnet noir sur les cheveux ! Les allemands l’auraient repéré avec un pansement ! Et l’autre, grand, beau, fière allure, toujours une pipe à la bouche ! Ils étaient musclés, forts, des gars plein de hardiesse et prompts à la réaction, vifs, intelligents, perspicaces, deux bonnes recrues ! »
La sœur de Jean T., Marie, distribuait les tracts, faisait de la propagande, donnait les consignes aux réfugiés, portait les repas aux anglais dissimulés dans des maisons inhabitées , prêtées par des membres du réseau. Une autre Marie, l’épouse de Jean G. veillait sur son bébé de cinq semaines, sa petite fille et aidait son mari qui accueillait, convoyait les aviateurs jusqu’à la plage Bonaparte, anciennement appelée anse Cochat. Bonaparte était le nom de code. Et dans cette histoire des Marie du réseau Shelburne, une autre Marie cette fois ci, Marie-Thérèse, 18 ans, toute jeune, agent de liaison. Les femmes : trois Marie, Marguerite, Anne, Jeannette, Thérèse, et les hommes : trois Jean, François de Gingamp, Lucien D. appelé Léon, Raymond le radio appelé Claude, Job, Roger, Thibault, Robert et tant d’autres ; surtout quelques familles qui accompagnèrent les anglais aviateurs tombés du ciel : hébergement, ravitaillement ; silence et discrétion sont les mots d’ordre ; le plus grand secret. Deux gendarmes résistants apportent des laisser- passer, des faux-papiers. Il fallait pouvoir sauver tous les anglais ; un vaste réseau d’une absolue discrétion y travaille : des convoyeurs et des trains, des maquisards, journaux allemands sous le bras, nom de code : Bonaparte… Le signal à la radio, « ici, Londres, je répète : bonjour tout le monde à la maison d’Alphonse » et plus tard, le deuxième signal : « la classe salue bien les amis »
Descendre et préparer la plage, accrocher les chiffons noirs aux bâtons qui signalent les mines plantées, vérifier le sentier Shelburne, repérer les patrouilles allemandes, envoyer les messages de rassemblement, aller à la maison d’Alphonse, là-bas, sur la route derrière la chapelle Saint Samson, là où résistants inconnus et allemands jouent parfois aux boules ensemble ! En route pour l’embarquement clandestin, en hauteur de la plage, nuit sans lune, les uns contre les autres, descendre en glissant le long de la falaise, ajoncs, pierres ; Jean s’arrête pour émettre le signal B. en morse, lumière blanche ; en bas dans les grottes des lumières bleues, tout est cyan : bleu de nuit, ciel sombre, mer obscure ; le bruit des avirons, la corvette s’est approchée le plus près possible : on ne l’entend pas, l’infirmière de la Croix-Rouge a amené les aviateurs blessés qu’elle a soigné chez elle, à l’étage de sa maison « la chimère » à Trevéneuc, pendant que son époux joue aux échecs dans son salon avec le commandant allemand. Entrer dans l’eau jusqu’à la taille, installer les aviateurs, puis rentrer et continuer sa vie tranquille, ne jamais rien dire, ne jamais rien montrer. Et recommencer plus tard… Roland et Kostro lors de l’une de ces opérations, déguisés l’un en infirmier, l’autre en médecin, ont conduits les deux aviateurs recueillis dans leur réseau et qui jouaient les sourds et muets, jusqu’à la mer de la plage Bonaparte. Puis ils sont repartis séparément : Roland à Paris et Kostro à Valence.
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