Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

dimanche 29 août 2010

les carnets de Vinika, Réseau Shelburne, Marie de Bretagne









Hommage à Marie Trehiou et son frère Jean et tous leurs amis du réseau Shelburne, Merci pour le DVD documentaire diffusé à Plouha, et pour le livre du colonel Remi " la maison d'Alphonse".
Photo: Réseau Shelburne, au centre Marie Trehiou


Une hirondelle ce matin est entrée dans la chambre, la fenêtre était ouverte ; j’ai vu plus tard des mésanges dans le pommier à cidre.

Il y a eu ensuite beaucoup de pluies et un ciel délavé, parfois trop gris, pourtant, j’ai aimé regarder Jupiter la nuit, et il faisait doux vers trois heures du matin. Le film de Godard me fait penser à la mer, et à ces membres du réseau Shelburne, l’éternité recherchée, la liberté par la mer, la fragilité de la vie humaine, le paradoxe de l’existence, et l’étonnement de la volonté humaine qui fait  que l’homme peut se dépasser sans cesse pour l’amour des autres.

C’est surtout bien évidemment, ce passage cité ci-dessous qui me fait songer à la mer bretonne :

 - Je te demande pardon, Pierre

- Je m’appelle Ferdinand ! C’est trop tard !

 Elle est retrouvée…

- Quoi ?

- L’éternité… Avec la mer… »

En 1955 Londres est en ruines, la ville est si triste. Le bluzz envahit les bars, la jeunesse se sent libre, se sent revivre.

-Passez moi Balzac 75- 02, oui, cela aurait pu être B pour Balzac, non, là c’était B pour Bonaparte, l’ironie pour les Anglais ! Ce nom de code.

Marie au bois de Lisandré enfourche son vélo, elle part vers Guingamp, un contact pour François. Le général Nicolaïeff veut le rencontrer. Celui la, c’est un russe orthodoxe qui a vécu en exil en Sibérie, a fuit le communisme, il demande toujours «  as-tu la foi ? Tu verras, on vaincra ! Grâce aux icônes !  »

Le réseau de Pampelune est ramassé comme on dit par chez nous ! Des aviateurs anglais sont en transit, et d’autres encore, canadiens, polonais, belges sont seuls sur les routes, dans des fermes, des enclos isolés, des chapelles perdues. Le Sud n’est plus très sûr pour le réseau d’évasion, Londres penche vers la Manche. Et ses falaises, ses grottes, ses volontaires, tous gens du terroir, forts, consciencieux, patriotes, oui, communistes, indépendantistes ou  gaulliste, qu’importe ! Ils veulent la gagner cette guerre contre l’occupant !

Marie chantonne et pédale, traverse le bois, roule à travers champs, croise quelques chars, quelques tractions noires. Elle n’a pas peur, elle a la vaillance de la vague Bretonne, ses cheveux volent au vent salé, les embruns viennent vers elle, sur la route de la corniche.

Claude a eu un rendez-vous hier place Saint-Augustin, des gars de Valence vont venir. Pourtant, la règle est «  pas de contact entre les réseaux différents » Il doit se passer des choses trop graves. D’ailleurs la comtesse Américaine, Betty de Mauduit vient d’être arrêtée, ses aviateurs cachés dans le double grenier ont réussi à partir, ils ont pu regagner ensuite l’Angleterre, les membres ont prit le relais. Pauvre madame, seule en prison ! Puis Ravensbrück ! Mais hélas aussi son époux, est général à Londres !

Marie pédale, et pense : « pourquoi tenir un cahier pendant la guerre ? C’est dangereux !  Oui mais la mémoire c’est important, il ne faudra jamais oublier ! Jean est si loin, l’aéronavale l’a emportée, si loin de nous tous, et si le petit n’avait pas fait de graffitis sur l’affiche du collaborateur, il serait encore avec nous. Mais c’est juste et bien, i lest devenu commandant des parachutistes et c’est merveilleux tout compte fait ! Il est revenu une fois de Londres. On m’a prévenue, J’ai pris mon char  à banc pour récupérer le matériel, mon cheval était fatigué, il avait déjà travaillé dans la journée. Quelle joie de nous retrouver ! Si brève cette allégresse, et encore la séparation, le chagrin ; pourtant nous n’avions pas peur, nous agissions pour la loyauté et la vérité. Je ne sais pas si nous avions conscience des tortures, de la mort qui nous attendait, peut-être. Oui, nous savions un peu, mais on ne pouvait baisser les bras. Nice, Marseille, Canet-plage grillées ; Grenoble, un pont entre le Sud et le Nord, la « Sailor’s Missions »

Maintenant, je sais tant de choses qui m’étaient inconnues, j’ai lu, j’ai appris, et maintenant, oui, maintenant, j’ai peur, si peur de ce qui aurait pu nous arriver, à tous.

Une nuit, je suis allée jusqu’à la maison d’Alphonse, il y avait des blessés à aider, à transporter, Marie-Thérèse était là également. Elle était si belle, cette fille, et si dynamique ; On l’aimait tous. L’approche de la plage par le sentier Shelburne embourbé, le peu de clarté qui venait de la mer, presque phosphorescente, un éclat de luciole, mais, bon les lucioles, les libellules, c’est beau, adorables et légers. Là, le travail était lourd, angoissant, on marchait l’un derrière l’autre, le brancard de fortune était pesant, le malade gémissait doucement, puis il a fallu glisser lentement le long de cette colline d’herbes et de pierres, vers le gouffre sombre. On entendait au loin des avirons qui frappaient la vague, Jean qui était encore là à ce moment là, s’était arrêté au milieu pour le signal «  B », puis on a attendu la vraie marée basse. Tout à coup, un vol de mouettes effarouchées. Mais rien sur la pointe de la tour, aucune réaction, le projecteur des allemands n’a pas bouché, n’a pas éclairé la plage Bonaparte ! Ouf ! On a su longtemps après que c’était des paysans russes qui étaient de l’armée allemande mais qu’ils ne connaissaient rien à la mer, et surtout, qu’ils aimaient bien boire ! Quelle chance pour notre réseau ! Nous avons relevé nos pantalons, nous avons marché dans l’eau jusqu’à peu près 400 mètres du rivage, nous avons installé les aviateurs et « bonne chance » Les voilà partis.

Au fond le rocher «  la mauve » là où se cachait et attendait  la corvette anglaise.

Ce matin, le rocher appelé «  la mauve » brillait d’un éclat particulier, le soleil le frappait et l’environnait. Elle est retrouvée l’éternité… Jamais je n’ai oublié.

3 commentaires:

  1. Marie Tréhiou était ma grand mère ... Hier, j'ai dormi dans "le grenier" de la maison, là où les aviateurs étaient cachés ... La maison a repris vie après plusieurs années de travaux. Ce WE c'est la crémaillère ... Mon père nous a conté à tous l'histoire de sa mère, de sa famille, de cette maison...Il y a des choses qui ne s'oublie pas.

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  2. evelyne Deniau17 mai 2014 à 08:31

    Bonjour,
    Je suis entrain de lire le livre que l'on m'a prêté "Une femme du réseau Shelburn" qui est passionnant et émouvant.
    Ce livre j'aimerais bien l'avoir en ma possession afin de le faire découvrir à quelques personnes de ma famille, savez-vous s'il y a un moyen de l'acquerir.
    Merci de me tenir informé.
    Je vais me replonger dans ma lecture.

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  3. Vraiment désolée pour ce si long retard.J'ai pu prendre connaissance de ce réseau en 2010 grâce à des personnes de la bibliothèque de Ploucs et en interrogeant des gens dans ce village.J'étais en vacances à Gommenech et nous allions souvent à la maison d 'Alphonse et à la anse Cochat.C est fantastique d avoir pu entendre ce récit de la part de ceux qui y participèrent./Pour Audrey Cosse j aurai aimé aussi écouter votre grand mère raconter cette tranche de sa vie et dormir dans ce grenier empli de souvenirs de la resistance

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