Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

mardi 29 juin 2010

le cycle de Kostro, rue de Sallaumines.




Rue de Sallaumines, corons de Méricourt. Deux jeunes filles presque élevées ensemble qui ne se quittent pratiquement jamais. Elles sont allées à l’école ensemble, elles travaillent à l’usine textile de Roubaix « chez Lepoutre »  grand couturier,   prennent le bus ensemble à 5 heures du matin, vont au bal, cousent leurs tailleurs pied-de-poule en chantant, même en vacances ensemble. Sophie et Mathilde. les amies de la famille d’Oignies. Là où vit maintenant Kostro. Arrivé là comme un émigré, il a décidé que leur combat était le sien, et devenu l’un des leurs, il participe en les filmant, en écrivant leurs mémoires. Les familles polonaises. La chambre avec son énorme couette de plumes. Cousue à la main, la vieille machine à coudre dans le coin, sous la fenêtre. Au-dessus du lit, accroché avec un rameau de buis béni, le  couple de Marie et Joseph, en compagnie du petit enfant Jésus. Peinture de sucre et de pâtes de fruits, colorée, qui évoque dans leurs souvenirs la patrie perdue. « Matka Boska », sainte Mère de Dieu ! disent-ils souvent ; ou bien « Jésus Maria, cto to jest ? » Jésus Marie, qu’est ce que c’est que ça ?

Le jardin potager, le fumier dans l’angle droit, les toilettes à gauche. La petite porte en bois à l’entrée, un tout petit chemin et "dzien dobry"  Bonjour ! En hiver, les dames assises avec leurs foulards sur la tête : il ne faut pas faire pleurer les anges ni les tenter ! Cachez vos chevelures, dames du pays ! Elles écorchent- plument les plumes des oies qui, gavées, seront mangées pour Noël. Les enfants cachés sous la table regardent voler les nuages blancs duveteux et écoutent histoires de fantômes, revenants et apparitions ; de cimetières abandonnés, de coups tapés dans la fenêtre à la mort d’un proche, de crucifix qui saigne, de verre qui éclate oh ! malédiction ! des noms à ne pas prononcer !

Sophie et Mathilde, couchées dans l’herbe qui chatouille leurs jambes, ne se parlent pas, elles rêvent à leurs futures amours. Et puis papa a dit «  tu épouseras un Polonais ma fille ! pas un Français ! Les Polonais sont travailleurs»

La mère debout sert son époux revenu du travail. Tout d’abord, elle l’a aidé à se dévêtir, à se laver, mêlant le savon et l’eau chaude, eau qu’elle fait chauffer sur le feu, toute l’année, chaud ou froid, quel que soit le temps ! il faut de l’eau chaude. L’eau ensuite est si noire ! Noire comme à l’intérieur des poumons, calcinée, ombre, une nuit de ténèbres. Puis l’homme sort sur le petit banc, les poules viennent à ses pieds, le voisin aussi fume sa pipe. On entend le cochon qui crie. Il doit avoir faim.

Sophie et Mathilde ont longtemps marché dans la forêt, leurs petits souliers peu habitués à ce genre de parcours, elles sont surtout du style à visiter les parfumeries et les bijouteries. Et adorent se promener en ville et aller au bal.

Mathilde épousera Edouard, qui, de mineur, deviendra chef porion. Hélas, malgré la belle maison et les deux enfants nés de ce mariage, malgré le bel amour,  le cancer, ce crabe rongeur qui ne fait que se cacher et ramper dans le corps ... Maladie muette à l’époque ! On n'en parle pas ! On conjure le sort en se taisant !  "Dieu ! Quel péché a-t-il fait pour être puni de la sorte ?" disent les vieilles bigotes ! Ou alors "quel péché ont commis ces parents ? Ses ancêtres , " ou alors  aussi : " I lest si honnête ,si bon ,quelle injustice ! Quel malheur! Un si brave homme! et Travailleur! Il expie pour nous !' Le poids de la morale et de la conscience ! Et puis, peut-être que la maladie n'est qu'un hasard ! 

Sophie rêve encore. Elle ne sait pas ce qui arrivera.
De la poussière de la fosse 3, rue de Sallaumines, quand son père agonise, lentement asphyxié, sans rien pouvoir faire pour l’aider. 11 septembre 1956 . Hélas ! Il ne retournera pas au pays.

Kostro aime ces jeunes filles, il les connaît maintenant depuis longtemps, elles ont confiance en lui. Il a été accepté facilement, il est si doué, il a appris leur langue facilement.

Lorsque Paul a parlé de sa rencontre avec Kostro à François, celui ci n’avait qu’une idée : le revoir. Il lui a écrit, s’est invité. Quelle joie pour les deux anciens amis. C’est ainsi que François a pu réaliser cet album de photographies de Sophie et Mathilde.

Sophie aurait aimé emmener François au bal avec elle mais elle n’osait rien dire. François, lui, passait  son temps dans les cinémas avec Kostro. D’ailleurs, il y avait  un cinéma «  le Printania » à Noyelles sous Lens, très connu ; et c’est  grâce à cela que Sophie et Mathilde ont découvert le cinéma ! Un de leur premier film : « la loi du silence» puis «la dame aux camélias », elles adoraient aller voir des films avec Kostro.

1 commentaire:

  1. Une histoire semblable à beaucoup de gens, je connais le cinéma le printania, jai été vendeuse chez Fryder pas loin de là, je travaillais le dimanche et l'on venait acheter des gâteaux ou des bonbons.interressant quand même

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