Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

_________________________

Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

vendredi 23 juillet 2010

Les histoires de Marie, dans la nuit des disparus 1 : l’enfant Kostro.

C’est une haute, très haute montagne. À son sommet, un cristal géant. Un homme nu, debout, s’y trouve enfermé. Le soleil qui se lève éclabousse de rayons la sphère transparente et celle--ci vole en éclats. L’homme me semble être devenu une statue vivante façonnée dans de l’or pur.  Les morceaux du cristal planent,   font miroiter la neige et  les sapins.  L’homme baisse les bras, des jets de lave dorée sillonnent les pentes, glissent, brûlent et désagrègent tout sur leurs passages. Tremblement de terre. Tout devient sombre et opaque. Je ne vois plus rien. Quelques étoiles brillent au loin, trouant l’obscurité d’une lueur bienfaisante, rassurante. Un grondement sourd se propage dans la nature. Un frémissement  parcourt mon corps, je ne bouge plus. La lune se lève… Elle monte lentement dans la nuit si dense, éclaire la scène.

Une femme, de blanc vêtue s’avance vers moi, suivie de sept personnages qui porte sur une civière tendue de pourpre le corps de l’homme en or.

Ils forment un cercle autour de moi pendant que la dame blanche, devant moi,   lève les mains vers le ciel.

Et c’est comme si à l’intérieur même de notre monde une porte invisible s’ouvrait. Une belle et grande porte ouvragée, gothique nous montre un chemin encadré de murs presque transparents, derrière lesquels on peut apercevoir des cyprès. Des oiseaux rouges volètent autour de nous.  Il me semble que les parois qui nous entourent sont chaudes, une incandescence me gagne peu à peu.

Nous voici devant un palais d’or flanqué  de deux tours d’argent. Sur le côté gauche un mini lac de mercure à la texture tremblante. Les oiseaux s’y reflètent.

Ailleurs, un homme à la longue cape noire marche sur une route déserte. Il a rabattu le capuchon sur sa tête car il pleut. Il va ainsi de manoir en manoir sur la lande d’Irlande. Tout est désert.

Dans une chambre aux volets clos, encore dans un autre ailleurs, loin d’ici, une femme rousse penchée vers un grimoire psalmodie. Un escalier en colimaçon grimpe vers le grenier de sa maison où, sur un lit à baldaquin, sommeille un enfant blond. Sept bougies sont allumées sur une table basse.

J’entre dans le palais doré. Tout en bas, dans une cave voûtée, une salle vaste et vive, le rouge et le noir agrémentent les murs et les alcôves.

Sur une longue table de travail, des fioles et des alambics. Une distillation bleue se prépare.  De la fumée cyane  se propage lentement dans l’espace. La dame rousse est là avec l’homme en noir et la dame blanche. C’est comme s’ils étaient à deux endroits et dans deux temps différents en même temps.

L’enfant blond est assis dans un siège en bois en forme de colombe, il tient une sphère de cristal entre ses doigts déployés, penche un peu la tête sur le côté gauche, ses yeux mi-clos.

Lorsque j’entre dans ce lieu, cet enfant laisse échapper le cristal qui s’écrase su le sol de pierres inégales. Des morceaux aux reflets de l’arc-en-ciel s’éparpillent, les oiseaux rouges volent en pépiant, des plumes tombent, les deux hommes et la femme ne sont plus là. Un grondement souterrain fait se vriller la demeure antique. On entend des craquements sinistres, des objets tanguent sur les étagères, une armoire se fracasse au sol. Le brouillard bleu s’intensifie… L’enfant me regarde, me regarde et je reconnais l’enfant de la photo, on disait qu’il était Kostro enfant. Et je me réveille. Je suis allongée sur un banc dans un si vieux cimetière. Des pierres tombales sont ornées de mots latins, d’autres sépulcres taillés dans le marbre offrent aux visiteurs les photographies des morts oubliés. Des caveaux abandonnés où l’herbe et les fleurs sauvages se disputent le territoire envahi de cailloux, plus loin, une tour à la lanterne rouge qui veille les morts. Dans la nuit des disparus si chère à Milosz, nous sommes tous invités d’une fête, conviés à une noce, funèbre, certes ! Un voyage au-delà de nous-même, là où réside le mystère de l’homme.


Photo : Kostro enfant . Bruno Rosier.

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire