Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

dimanche 1 août 2010

le cycle de Marie, la mémoire.


 

Marie ne voulait plus parler de ce professeur de mathématiques qu’elle avait aimé, tant aimé, au temps de son adolescence. Marguerite en avait su   peu de choses, si peu de choses qu’elle le confondait avec le Roland de la bande. Mais c’était un autre Roland, qui était marié dans le Diois, qui avait un poste de professeur, que Marie avait rencontré au cours d’une fête, chez des amis. Ferdinand aussi se trompe, ce n’est pas le même Roland puisque Marguerite n’avait reçu de sa sœur que si peu de confidences. Oui, évidemment, ces deux Roland étaient engagés dans le même mouvement et luttaient pour la même cause. Tous deux apparatchik effectivement, voilà peut-être la cause des erreurs dans les souvenirs.

Marguerite et Marie se disaient plus amies que sœurs. C’est ce qu’elles répondaient lorsqu’on leur posait la question : « oui, nous sommes des amies, les meilleures amies du monde, nous partageons tout ! » Mais sur ce thème brûlant de cet amour –adultère, Marie ne pouvait plus, ne voulait plus  rien entendre. Elle avait mal pour la femme de cet homme, elle avait mal pour elle-même, elle avait mal de ses yeux blessés, farouches au retour de la guerre. Elle avait mal de son oubli, de son pardon, de tout ce passé perdu entre un pays et un autre pays. Jeté à la mer par Marguerite, dans le détroit de Gibraltar, les lettres et les cartes postales, les fleurs des jours de fête et les mouchoirs de dentelles aux parfums préservés, jamais lavés. Tout abandonner ainsi à la vague pour commencer une autre vie, une nouvelle vie, et pouvoir vivre à nouveau, lavée de son passé, et pouvoir partir, là-bas en Algérie, voir Paul et Marguerite, vivre enfin.

Et maintenant, c’est comme si Marguerite  portait dans son regard les yeux sacrifiés de Roland, les yeux brûlés de tous ces morts de la guerre, les yeux emplis de larmes de tous ces gens jetés sur les routes, les yeux des abandonnés. Dans le noir opaque strié parfois de lueurs dansantes, Marguerite retrouvait les feux d’artifices des 14 juillet, les feux de joie des 15 août dans les champs moissonnés, elle développait le sens du toucher, celui de l’odorat et savait reconnaître de loin la personne qui s’approchait d’elle, à sa manière de se déplacer, de poser le pied sur la terre ou le sol.

Elle aurait du porter des lunettes de soleil en Algérie, lui répétait Marie. Marie riait, elle chantait les anciennes complaintes, les vieilles ballades, elle continuait d’inventer des histoires, des contes, mais elle ne les écrivait plus dans des cahiers d’écolier ; elle les enregistrait, ainsi, Marguerite pouvait les écouter encore et encore, lorsqu’elle était seule.

Cette forme de dégénérescence maculaire humide était insidieuse et lorsqu’elle est installée, irrémédiable. Le drame venait du fait que Marguerite pouvait encore voir les contours, les flous, discernaient des formes à la périphérie de sa vision et cela était épuisant, très fatigant moralement et physiquement. Elle fermait souvent les yeux pour demeurer au repos. Cette cécité lui était crucifiante. Malgré tout, elle gardait au cœur cette joie merveilleuse d’avoir pu élever son fils, dans la maison de Marie, et vivre avec lui les plus belles années de sa jeunesse, qu’elle avait pu le regarder, le voir grandir, l’admirer aussi ! Et le voir devenir un beau jeune homme libre et juste. Ferdinand ne les avait pas abandonné, il les aidait et venait souvent mais il voulait la liberté totale et il était plus absent que présent. Dans la vie de Marguerite et Marie, l’ami Kostro était devenu le plus proche. D’ailleurs, c’était lui le parrain de Matthias.

 

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