Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

lundi 21 juin 2010

# 5 Au jardin d'Espagne.

6 commentaires:

  1. "J'en avais tant pris dans mes ceintures closes... " et la mer renouvelée, le bleu de l'infini dans le jardin de Saadi. Rue Sadi Carnot, c'était le nom d'un président français que son père avait prénommé Sadi en hommage au poète persan Saadi. Dans cette langue cela se prononce Sadi. Ce nom chante et résonne à mes oreilles comme le vent dans les peupliers, comme la couleur de l'érable, des fontaines d'eaux en gouttelettes brillantes, jardin d'Espagne, fleurs jaillissantes. La mère de marie avait la passion des orchidées et des hellébores lividus aux teintes roses violettes, et dans des pots alignés, dans le minuscule jardin, l'été, elle déposait ses fleurs du pays. Jardin de fleurs, criques et oliviers, le thym parfumé et sauvage, Bagdad la ville ronde, saveurs méridionales, les mille et une nuits, et la danse, et le chant : la chaleur de ces coeurs tendus vers l'immensité des destinées.

    Moi, mes parents étaient arrivés avec les vagues de migrant polonais, juste pour quelques contrats dans les mines, pas pour rester. Mon père avait eu embauche à la mine de la Mure. Son frère était parti dans le Pas de Calais. Certains de leurs amis s'étaient sauvés de la noirceur des boyaux sombres, ils travaillaient comme chauffeur ,cuisinier, valet, gardien de propriétés. Ils voulaient être libre au grand jour, la lumière, l'odeur de la terre après la pluie, la pluie sur leurs visages, les légumes du jardin et loin de la poussière. La poussière noire des caillettes, de l'anthracite, s'enfuir, ne plus respirer cet air qui donne la mort, les poumons incendiés, les crachats noirs. Venir de si loin et mourir asphyxié quelques années plus tard, ceux qui n'avaient pas de chance y laissé leur peau 20 ans après...
    Les polonais, mal intégrés, leur école, leur curé, leur "village" corons ou courée, mais toujours entre eux, pas accueillis, pas reconnus, les français les trouvent trop différents, "ils sauront pas s'incorporer" disent ils, jettent des tomates, les insultent. Eux apprennent la langue, se débrouillent ,s'installent.
    Pendant la guerre d'autres arriveront et formeront l'armée polonaise. Celle-ci fera sauter les dépôts de munitions.
    En attendant, rue Sadi Carnot, au jardin d'Espagne ,une petite fille apprend les chansons de sa grand-mère, aide l'ouvrier de la maison à ouvrir les colis, maintenant, il y a de l'aide, découvre les épices et les couleurs des fruits... Avec cet air mélancolique des enfants d'étrangers qui ne sont encore que la première génération née ailleurs...Et qui sentent bien certains regards, qui entendent bien certaines paroles.
    C'est l'amitié qui parvient à déjouer les chagrins et les méandres des cruautés de l'enfance, les mais sont notre résilience.

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  2. Valdemossa, le 19 décembre 1928

    Ma bien chère Esperanza aimée,
    Je te souhaite une bonne et heureuse année et une très bonne santé. Ton cousin qui t'aime et qui ne t'oubliera jamais.
    Antonio Planas Bernat.

    Grenoble, le 12 mai 1928,
    Chère Esperanza,
    J'ai bien reçu ta lettre et si je n'ai pas répondu plus tôt, c'est que j'attendais avoir une précision sur mon départ pour Puerto Soller. Je n'ai pu malgré tout être fixé encore. En tout cas, mon départ aurait bien lieu le 11 juin ou alors par suite d'impossibilité serait renvoyé à Septembre. En tout cas je te tiendrai au courant. Bon baisers à touts, amitiés à la famille Cuart. Bons baisers de ton cousin.
    Barthelemy.

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  3. Espéranza je crois me souvenir, était la tante de Marie, celle qui la tient par les épaules sur la photo. Elle était bien plus jeune que son frère et ses parents étant morts, elle l'avait suivi en exil. Pour elle, dans l'attente de l'arrivée d'Antonio, le temps s'éternisait au fond de la boutique. Elle brodait, et ses doigts habiles créaient des objets, nappes, mouchoirs, robes, dentelles, si fins, comme des toiles d'araignées, elle brodait, tisserande des heures, fervente adepte du geste qui fait tout oublier, ce geste répétitif qui inaugure les mandalas secrets ,arcanes des désirs inconscients.

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  4. reconnaissance des personnages fictionnels affaire à suivre

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    Marie : soeur de Roland, institutrice , elle écrit des histoires et raconte bien
    Roland : frère de Marie, guide de montagne, il est objecteur de conscience, poète, guitariste, montagnard, révolté, fasciné par les droits des hommes, devient communiste, voyage dans l'Est et disparait en Russie, les filles en sont fingues
    Les parents: ouvirers agricoles aidés par leur famillen quittent Majorque et viennent en France, rue Sadi Carnot, achète une boutique, la mère cultive les fleurs de son pays, elle a les doigts verts : elle ocuds aussi : le père travaille à l'usine la nuit, il a aussi travaillé à la mine.
    Espéranza: fiancée d'Antonio. Elle a quitté Majorque avec son frère car leurs parents sont morts. Elle attend qu'ils viennent.
    Le groupe des amis : François l'écrivain et le cinéaste, l'enseignant. Il vivra Paul le musicien et le parolier, études de médecine. Marguerite: amie de Marie, son inséparable. Elle ne travaille pas. Elle vit dans la ferme de ses parents. Elle vivra avec Paul. Kostro, le poète, l'écrivain, le rêveur, celui qui donne sa force au groupe. Vinika, parents d'origine polonaise, émigratiion de 1930, son père travaille à la mine, la mère se loue dans les champs, elle tient des carnets de rêve, elle est partagée entre Roland et Vincent. Vincent, le dernier arrivé dans le groupe, venu de la ville pour soigner une tuberculose. Il guérit et épouse Vinika.Mais il meurt d'un accident de voiture. Vinika suit des études d'infirmière; (je prête mon nom à Vinika diminutif de Véronika en Pologne et puis à l'époque l'infirmière faisait le boulot des Aides-soignants d'aujourd'hui, donc ça peut être utile. ). Michèle la romantique qui lisait tant de livres et s'endormait sur eux, son amant Oya faisait des études de commerce. Elle adorait peindre et je crois était amoureuse en secret de Kostro, l'homme au bandeau. Ils ont disparu tous les deux vers Istambul.
    Jacqueline ? avec Paul...à voir, lien avec Marguerite, (fiction de François) pourquoi pas soeur de Paul ?

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    lieux: le Villaret - la mine de la Mure - Budapest- Hongrie- Pologne-La a Russie, le Caucase. la ferme au Villars. Valence, il faut en parler, Grenoble aussi- Montreuil sur mer - le Tréport -
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    époque : 1930- seconde guerre mondiale - résistance- réseau sauvetage enfants juifs- 1950-

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  5. "Il ne restera de nous qu'une photographie jaunie, l'image un peu grise et vaillante à la fois, les hurlements d'un ivrogne, scrupuleusement notés sur un coin de table, leur empreinte tragique — tragicomique —, embryon mélancolique de toute une autre histoire."
    François
    20 juin, à 23:58

    On dirait un note du roman invisible...j'aime
    J'aime ce qui se passe :-)
    Brigitte
    ...


    il ne reste d'eux qu'une photo cornée, sur le dos est inscrit " l'homme et la femme ensemble " et les vociférations d'un homme pris d'alcool qui casse ce qu'il trouve dans la maison et terrorise ses enfants avec sa ceinture en cuir. Toute famille porte en elle une histoire nourrie de mille histoires, les contes à l'inverse de soi même, les pleures et les méandres de la peur pour certains ,pour d'autres, les rires et la joie, un peu de tout à la fois pour certains... Les histoires des familles comme des jardins, échevelés, verdoyants ou désertiques, désertés.
    Vinika

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  6. Marie me manque ; je l'ai accompagnée jusqu'au caveau familial ; nous étions quatre, sa coiffeuse, deux voisines et moi. J'aurais voulu que l'église soit pleine de fleurs jaunes et oranges, que les voix de Montant, Ferrat, Becaud emplissent la nef ainsi que les airs d'opéra qu'elle affectionnait tant. Mais, rien. Ce fut d'un triste à mourir.... La cérémonie ne dura qu'un quart d'heure, à peine. Le curé, un grand noir, dit les prières requises. Son accent africain, son élocution saccadée et rapide firent qu'en deux coups de cuillère à pot la messe était dite. bye bye Marie. Je n'ai rien pu faire. Pendant des années je l'ai écoutée me raconter sa vie, l'Ile de ses parents, l'école des religieuses, les hommes qui l'ont aimée -bien mal- son manque d'enfants et la guerre.
    Elle avait eu 20 ans en 40. L'épicerie familiale où se croisaient les allemands, les résistants, les collabos, servait aussi à cacher des juifs dans ses caves. Marie se souvenait... et parfois se taisait.. quelques larmes perlaient dans ses yeux... "il y avait une gamine de 4ans, pas plus, qui aurait pu parler ou pleurer mais je voyais dans son regard qu'elle avait tout compris ; elle ne bougeait pas... ma mère lui donnait une orange ou un biscuit..."
    Marie me manque...

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