Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

lundi 26 juillet 2010

Les carnets de Vinika, Antigone 2




Kostro aussi aimait ces images floues de Yannick, de femmes recroquevillées sur une banquette, de corps tendus sur un quai de gare, d’imperméable blanc, de foulard qui s’envole, de mouchoir tombé, d’ailleurs, les dames n’ont plus de mouchoirs dans leur poche, c’est rare. Je ne crois pas qu’il y ait eu un mouchoir sur le sol, peut-être une mésange morte, oui, bleue dans le bleu de l’eau.

Le vert, tous les verts, Kostro les aimait, ça lui rappelait sa terre natale, la campagne, les jeunes pousses d’herbes, les salades de son grand-père, les géraniums de sa marraine.

« La jeune femme à l'écharpe verte comme une échappée d'herbes... ne connaissait pas la jeune femme au manteau rouge. Par une étrange coïncidence, lorsque l'une était là l'autre était absente. Autant la "rouge " lisait, grignotait son crayon, écrivait, palpait des liasses de papiers comme s'ils étaient des billets de banque... très précieux je veux dire, bien entendu ! autant la "verte " regardait fixement devant elle, prenant garde de ne jamais croiser aucun regard, se dérobant à tout contact, même par les yeux...

La " rouge " et la " verte " : deux noms qui m'évoquent la fleur d'un jardin, la feuille d'un arbre...
La femme est Végétale... L'Eve : la Vivante, la Vive, qui court et va... de buisson en parc, de magasin en bord d'eau, toujours alerte sous le ciel si bleu...

Marguerite aussi avait un manteau rouge, toute petite, déjà elle adorait cette couleur. On l’appelait « le chaperon rouge » , elle était timide, ses joues s’auréolaient immédiatement, elle baissait les yeux en tournant sa chaussure gauche dans la poussière.

Il me fallait évoquer le ciel bleu... Nous aimons tant le bleu, Brigitte et Yannick sont imbattables lorsqu’ils commencent à parler du bleu de la mer, du ciel, des yeux, d’une fleur, « ah Tout ce bleu de rêve et de silence !

Et aussi le jaune des pommes dans le panier, "les pommes faisaient rouli- roula, les pommes faisaient rouli-roula... trois pas en avant, trois pas en arrière... trois pas sur le côté... trois pas de l'autre côté..."

Connaissez-vous cette comptine? Ce sont souvent les filles qui la chantent dans la cour de récréation, entre la marelle et la corde à sauter !

Marie excellait dans l’art d’inventer des comptines, dommage, je les ai oubliés. Qui de nous a gardé son cahier d’écolier où il notait les chansons qu’inventait Marie ? Moi je l’ai perdu ou peut-être pas… Il faudrait que je cherche.

Marie, mais quelle Marie ? Comment écrire l'histoire de Marie? La rouge, la verte, la blanche, celle qui n'a pas peur du loup ? Celle qui adore les pommes? celle qui ne veut que des fraises ?

La robe en plastique. C’est une photo de l’album de Yannick, une Photo de  housse en plastique.

 « La dame au manteau rouge avait retrouvé son manteau. Il était resté très longtemps au pressing car elle avait perdu le ticket pour le récupérer. C'était ce manteau comme un doudou, une autre forme d'elle, une peau astrale et sans lui elle se sentait nue, incomplète, c'était ainsi qu'elle voyait son corps dans l'au-delà, un corps de lumière emmitouflée dans ce manteau rouge... De vie, de soleil couchant, de boule de Noël, de tomate ou de pomme, un tissu magique et puissant... Ibérique perspective ! le torero serait l'ange à l'épée ! »

Marie aimait ces couloirs, ces errances de gare en gare, elle se souvenait qu’elle aussi, elle était allée de port en gare, d’arrêt de bus en arrêt de tramway. Une vie qui déambule sur les trottoirs des cités. Marcher, aller vite, se déplacer ainsi, d’un endroit à un autre, le travail, le marché, les courses… Comme Kristina là-bas à Oignies, auprès de Kostro, comme Marguerite à Oran, comme ses parents. «  Au jardin d’Espagne était fermé maintenant. «  A la tricoteuse aussi ». Un jour, les boutiques changent de propriétaire, de nom, d’articles à vendre.

L’échappée belle des souvenirs, plus rien, quelques boîtes vides dans un panier, des boutons, des tissus colorés, des sucettes à l’anis, et des photos.

 Photo Yannick Vigouroux, Marie de Sicile 

Photo Yannick Vigouroux. La jeune femme à l'écharpe verte. 2008

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