(sur une idée lancée hier soir par Yannick)
Brigitte revenait de Chine, des photographies plein les yeux, des marionnettes dans son sac à dos et le livre « Histoire de Marie » transformé en herbier chinois ; François écrivait à l’ombre d’ un tilleul, assis près d’une source légère, le vieux pont fuyait vers la forêt, un chat ronronnait sur la pierre chaude ; Yannick archivait de vieilles photos de vacances et d’étés oubliés, de familles perdues sur les rives de la mort… « Dans la nuit des disparus », où seul, ce n’est pas certain ! et sans amour, et sans lampe, rien n’est moins sûr ! après tout, que savons nous de l’autre rivage ? Instant d’impatience, frivole, énervée, je pense au « cimetière des livres oubliés » de Zafon, les tombes se courbent vers la terre durcie, caillouteuse, une cloche sonne, les douves sont ornées d’herbes folles, j’aimerai tant aller dans cette bibliothèque et choisir un livre, le livre de ma vie… Dans la maison brûlée, sur la colline, il reste une armoire aux portes fissurées dont les tiroirs regorgent d’anciennes photographies ; personne ne m’a dit où se trouve cette demeure ; j’ai juste entendu des femmes qui parlaient de ça sur le marché. Je pense au récit de Garat, oui, il y a un château incendié, la nuit des soldats ivres, la sorcière protège l’enfant caché dans le grenier. Les images, les récits, les enfances et surtout tous ces regards se mélangent dans mon esprit, je ne dors plus, je rêve que j’écris, j’écris que je rêve… Je me réveille le matin, et les phrases continuent à apparaître dans ma tête… Elles se poursuivent, le jeu de la course dans le jardin de mon cerveau enchanté.
"Eh! Si on faisait un loup glacé ? "
La petite Marie jouait- joue encore, sur la plage, elle rencontrait- rencontre encore, des enfants russes venus là en vacances. Ils l’invitaient- l’invitent encore, dans leur tente au bord des vagues. Lieu secret, temple de l’enfance en absence de morale bourgeoise, seul compte le rite de la fraternité : « croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer ! »
J’aime à imaginer que ces deux petits gars là, ce sont Kostro et Cristo, enfants, quelque part dans leur jardin d’enfances, au bord de la mer, dans la maison de la grand-mère dont le mari marin est mort en mer, un jour de tempête ; et qu’ils demeurent à jamais vivants dans la nuit des souvenirs. Au pays de fraîcheur et de mémoire, là où la mort est plein accomplissement de la vie. Là où l’on ne peut pas être seul, sans amour et sans lampe, ce serait trop cruel.
Marie amène avec elle un seau de plage empli de coquillages nacrés, dorés, certains trop blancs. Les garçons ont joué avec le sable mouillé, tours, murs, dentelles de sable et algues, un beau château s’est élevé. « le château de sable est bien trop près de la vague » dit Marie. « Mais, non, ! tu ne sais pas ! Il faut que la mer l’achève, le brise, nous, on veut toujours, toujours recommencer à bâtir ! Le jeu c’est de construire, la mer détruit ce que l’on a fait et on reconstruit tous les jours. »
Je pense à Jean-Paul, il court dans le champ de blés, se cache derrière les meules, il est encore jeune, un beau sourire sur les lèvres, il a déjà ce sourire qu’il gardera toujours, cet éclat malicieux dans les yeux, et cette force de titan protecteur qui attire les filles.
Kostro est si loin, là-bas, avec son frère Cristo. Ils posent tous deux durant de longues journées, pour que le peintre puisse achever la fresque de la nativité dans l’église Santa Maria . Ils figurent les Rois- Mages, je crois que c’est Kostro qui en a eu l’idée, il aime trop son turban.
Et je rêve encore : Roland est debout seul sur une barricade, un char s’avance si lentement, si doucement puis tout explose en une gerbe de sang, son corps tombe, tombe si lentement, si doucement, je me penche vers lui et je lui ferme les yeux.
Paul et Marguerite marchent dans le désert des berbères. Ils aiment ce peuple, ses chants. Dans une oasis, à Ghardaïa, ils croisent une petite fille et Paul la photographie.
Madeleine toujours à la fontaine puise de l’eau ,et chante… Vincent joue de la guitare devant le feu de bois, dans le champ moissonné. Sur le Bosphore ,un homme et une femme, debout, attendent. La gare est détruite, elle restera toujours ainsi, dans nos mémoires.
Je n’ai jamais vu Monte-Cristo, l’île au trésor. Je n’irai jamais à Portofino. Pourquoi faire ? C’est trop sélect. Ce que j’en aime, c’est l’image du port qui vit en moi. La petite Marie joue sur la plage, ses pieds dansent dans le creux des vagues, soyeuses écumes salées qui s’élancent sur le sable fin. Les litanies de la mer nous encerclent. Et nous nous endormons.
Photos: Les enfants à la plage, collection Yannick Vigouroux
Marie: album de Marie
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