Histoire de Marie

On me donne début juin, la collection des photos de famille de Marie. Bonheur et impression étrange de me trouver en possession de la mémoire d'une famille que je ne connais pas. Je sais seulement qu'elle était fille d'immigrés espagnols (Majorque, Soller) et que ses parents tenaient rue Sadi Carnot, une épicerie "Le Jardin d'Espagne" .
J'ai publié une première photo, et tous mes amis se sont mis à écrire...
Alors ce blog où l'histoire de Marie s'écrit (s'invente) petit à petit... au fil des commentaires, des messages
.
Un grand bazar ...
work in progress,

B. Chaix (juin 2010)

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Générique de fin
(avant un autre projet, certainement)


Merci à tous les amis auteurs, ce fut une belle histoire.
François a écrit un bel adieu à Marie . Je n'écrirais pas plus.

Marie , la vraie, est décédée l'an dernier, le 31 mars.

B Chaix (26 mars 2011)

mercredi 4 août 2010

le cycle de Marie, Kostro et Marguerite.



Quelques jours avant son accident, au restaurant où il l’avait emmenée,  Kostro avait raconté à Marguerite sa visite de l’institut médico-légal. C'était François, un de ses amis, étudiant en médecine et grand sportif qui l'avait emmené là. Lorsqu’il était entré dans la salle aux piscines, il avait été surpris de découvrir ces grands bassins emplis de formol et de voir, dans ce liquide, des corps nus, sur trois ou quatre niveaux, qui attendaient… Puis, dans la salle consacrée aux autopsies, il avait vu des troncs de corps, des bras, des jambes, des pieds, des mains, des hanches déposés / posés sur des tables et du sang, des scalpels, une forme d’horreur inhumaine qui lui a soulevé le cœur. Ce jour-là, les pompiers de la sécurité du CHRU venait d’amener  les corps osseux de bébés étouffés à la naissance et cachés dans des sacs plastique, enterrés dans un jardin. La veille, un homme noyé, depuis six mois dérivant dans le fleuve, rongé par les anguilles, aux tibias forés par les poissons, dont les membres tombaient hors de la bâche qui servait de brancard mortuaire était entré là aussi pour devenir objet d’études. Kostro parla très peu du musée des curiosités médicales car ce n’était même pas imaginable…Il se demandait comment filmer ce qu’il avait perçu de ces lieux : les jeunes étudiants en médecine timides, exaltés, les filles parfumées dont la fragrance se mêlait aux pourritures et au formol… Les regards extasiés, les regards apeurés, les terrorisés, celui qui pleure, celui qui s’effondre…

Le bout de film qu’a vu marguerite va des corps de la première piscine à une table de fer où un mort nu est allongé, le ventre ouvert. Une jeune femme blonde, les cheveux retenus par un bandeau, examine les viscères. Le professeur explique à côté d’elle. Ensuite on passe sur un gros plan : un bocal avec un fœtus à deux têtes et sans préambule, on entre lentement dans un cimetière. En ce lieu, on marche dans une allée, des roses blanches jonchent le sol caillouteux. Au loin, un corbillard à chevaux. Une femme à voilette de dentelles lève les bras vers le ciel.

Marguerite et Kostro s’étaient revus souvent alors qu’elle et Paul étaient en Algérie. Kostro était resté proche d’eux, un grand frère un peu fou, que Ferdinand adorait. Il venait les rejoindre dès qu’il le pouvait pour filmer les travailleurs dans les oueds et les oasis et pour l’attrait du Sahara. Et puis il était fortement aidé par l’argent que lui donnait Marie pour qu’il puisse réaliser ses films, et qui venait du don de la famille Béttencourt.

Marie se demandait, (d’ailleurs, il n’y a pas qu’elle ! ) si le petit Mathias n’était pas plutôt l’enfant de Kostro ?  Car Marguerite, et lui, au retour d’Algérie en 60 vivaient presque ensemble par longues périodes. Kostro avait une double vie, il est vrai qu’il aimait aussi Kristina, à Oignies, mais d’une autre manière.  Là-dessus, Marguerite était muette. Tout ce qu’elle voulait bien dire, c’est que la veille de l’accident, dans le trajet de retour entre Lille et Valence, Kostro lui avait raconté que depuis plusieurs semaines, il rêvait de Roland. Celui-ci venait vers lui, le prenait par l’épaule et lui disait sa joie de le retrouver enfin. Il y avait au bout d’un chemin d’arbres fruitiers, un jardin rond, un jardin clos et au centre, une table dressée pour une fête. Des gens étaient là qui applaudissaient, qui lui souhaitaient  longue vie « comme en Pologne » « Zto lat » puis tous s’asseyaient dans l’herbe pour regarder ses films. 

Photos: François G. le médecin  et Kostro

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